Paquebot ''France'' : la construction - 1957-1961
Publié le 3 Octobre 2010
Dernières mises à jour :
15 mai 2019 : dans Le lancement du "France" en cartes postales et photos :
Photo de "France" dans la forme Joubert
11 mai 2019 :
Photo d'essai en bassin d'essais des carènes, en date du 21 mai 1957
3 mai 2019 :
Journaux La Résistance de l'Ouest du 10 mai 1960 et du 11 mai 1960
Bulletin Transat (Spécial lancement) juillet, août et septembre 1960
-----
Dès 1939, la Compagnie Générale Transatlantique envisage la construction d’un nouveau "Normandie" qui aurait eu pour nom "Bretagne". La Seconde Guerre mondiale éclate et modifie le cours de l’histoire. Non seulement il n’y aura pas de second "Normandie" mais qui plus est, ce dernier brûle (incendie accidentel ou volontaire…?) le 9 février 1942 dans le port de New York, où il se trouve depuis fin août 1939. [Les américains ont réquisitionné le navire en avril 1941, l'ont rebaptisé USS (United States Ship) "Lafayette", et sont en train de le transformer en transport de troupes].

A la fin du conflit, le bilan est lourd pour l'ensemble des compagnies maritimes mondiales et en particulier pour la Compagnie Générale Transatlantique qui a perdu les deux tiers de sa flotte durant cette période.
Le paquebot "Ile de France", mis en service en juin 1927, subit une refonte totale en 1947.

Le paquebot "De Grasse", mis en service en août 1924, et coulé par les Allemands en août 1944, est renfloué, rénové et remis en service en juillet 1947.

En dédommagement pour la perte de "Normandie" la France reçoit le paquebot ’"Europa" de la compagnie Allemande Norddeutscher Lloyd, mis en service en mars 1930 et rebaptisé "Liberté".

De fait, face à cette flotte vieillissante, le ministre de la marine marchande, Gaston Deferre, évoque en août 1950 la mise en service, d'ici à la fin des années 50, d’un nouveau paquebot.
En mars 1953, la Compagnie Générale Transatlantique et les Chantiers de Penhoët sont en contact pour la conception d’un nouveau projet. Trois possibilités sont alors envisagées :
-
Un projet A pour un paquebot de 1300 passagers navigant à - de 25 noeuds et traversant l’Atlantique en 6 jours ;
-
Un projet B pour un paquebot de 2000 passagers navigant à - de 25 noeuds et traversant l’Atlantique en 6 jours ;
-
Un projet C pour un paquebot de 2000 passagers navigant à 31 noeuds et traversant l’Atlantique en 5 jours.
Préférence est donnée aux projets B et C qui sont retenus.
Les premières discussions officielles s'engagent en novembre 1953, à l'occasion du vote du budget devant la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, mais il faudra 32 mois de discussions, de tergiversations, de palabres, de projets et contre projets et de doutes aussi entre les principaux acteurs (La Compagnie Générale Transatlantique, la Commission des Finances, la Commission de la Marine Marchande, le parlement et le gouvernement - nous sommes alors sous la Quatrième République et les gouvernements se succèdent à un rythme effréné. Durant la période qui nous intéresse, 5 gouvernements seront à la tête des affaires...) pour, qu'enfin, le 20 juin 1956, Roger Duveau, sous-secrétaire d'état à la Marine Marchande, annonce la commande d'un paquebot de 55000 tonnes pour la ligne de New York.
Que de temps perdu ! Et, comme l'écrira Christian Pettré, dernier commandant du "France", dans son livre "Splendeur et rouille" édité en 1978 : "France" est né cinq ans trop tard : sa conception commerciale était déjà désuète à sa mise en service"...

Visionner le telex
-----
Le 25 juillet 1956, à 15 heures, a lieu la signature de la commande du paquebot G19 au siège social de la Compagnie Générale Transatlantique, 6 rue Aubert*, en présence de MM. Jean Marie, Président de la Compagnie Générale Transatlantique, Roger Duveau sous-secrétaire d'état à la Marine Marchande et René Fould, Président des Chantiers de l'Atlantique.
*Siège de la Transat depuis 1884, vendu en octobre 1968, déménagé en décembre 1970 et détruit par la suite pour y construire l'accès RER A rue Aubert. En 1970, le siège s'installe Tour Atlantique à la Défense.
Les illustrations de l'époque qui représentent le navire sont fidèles à ce que sera le navire, excepté en ce qui concerne les cheminées, qui sont de forme traditionnelle, sans les fameux ailerons qui seront la marque de fabrique du "France". (Le principe de la cheminée à ailerons ne sera adopté qu'en décembre 1959 après plusieurs études sur, entre-autre, la retombée des suies sur les ponts).
Principales caractéristiques techniques :
-
Longueur : 315,66 m.
-
Largeur :33,70 m.
-
Tirant d'eau (partie immergée d'un navire) : 10,48 m.
-
Jauge brute (capacité intérieure totale d'un navire) : 66348 t.
-
Puissance : 160000 cv.
-
Vitesse de croisière : 31 noeuds (1 noeud = 1,852 km/h).
-
Propulsion : 4 hélices (à 4 pales à ses débuts, puis à 5 pales) alimentées par 8 chaudières au mazout.
-
Passagers : 2044 (407 en 1ère classe et 1271 en classe touriste et 366 interchangeables).
-----
C'est au Bassin d'essais des carènes, boulevard Victor, à Paris qu'ont lieu de 1954 à 1958 des essais de maquettes (appelées "formes"). Plus de 40 maquettes de différentes échelles seront utilisées pour enfin arrêter, le 31 juillet 1957, la ligne qui sera donnée au "France".

-----

Visionner les premières CP du "France"
-----
Plan des Chantiers de l'Atlantique. Vue d'ensemble, en avril 1965, qui donne un bon aperçu de ce qu'étaient les Chantiers au moment de la construction du "France"
En 1955, les Chantiers de Penhoët et les Ateliers et Chantiers de la Loire fusionnent et prennent le nom de Chantiers de l'Atlantique. De nos jours, les Chantiers sont détenus à 66,66 % par STX Europe (dont la maison mère est une société Sud-Coréenne, la STX Offshore & Shipbuilding), et par l'Etat Français à hauteur de 33,34 %.
En septembre 1957, la forme n° 1 des Chantiers de l'Atlantique*, à l'endroit même où a été construit le "Normandie", est prête, les matériaux sont en place.


Visionner l'article du Monde
-----
Le 7 octobre 1957, sans tambour ni trompette, les ouvriers de la tôlerie dirigés par M. Launay, chef d'atelier, posent de la première tôle de la quille.



Lire l'article du journal Franc-Tireur
-----

Lire l'article de ce journal
-----
1958 :
- Le 15 janvier, la quille est entièrement posée, les premiers éléments du double fond sont en place.
- En mai, les premiers éléments préfabriqués de la charpente sont assemblés.
- La muraille de la coque atteint le pont B dans la partie centrale.




- En octobre, 6000 tonnes de tôles sont montées.
- Le 19 décembre, l'étambot, pièce préfabriquée de 52 tonnes, qui se situe entre la quille et le gouvernail, est mis en place.
- Le 20 décembre, à Château-du-Loir (département de la Sarthe), essai d'un canot de sauvetage avec 165 personnes à bord.
1959 :
- Le 5 janvier, le bulbe prend naissance, les tôles du bordé, dans la partie centrale, s'élèvent jusqu'à hauteur du Pont Supérieur.

Visionner l'article du 31 janvier 1959
-----

Visionner le dépliant
-----

- Fin mars, plus de 13000 tonnes de matériaux ont été montés depuis le début des travaux. Tandis que le montage de la coque se poursuit, et contrairement au processus qui avait été adopté sur "Normandie", les travaux à l'intérieurs du navire commencent dès qu'un pont est fermé. C'est ainsi par exemple que les tôleries intérieures, les tambours des panneaux et des machines, les conduits de ventilation et tuyauterie sont en cours de montage. Les emménagements de l'équipage, au Pont C, sont déjà tracés.
- D'avril à novembre, essais d'une chaudière prototype, à terre, en conditions de service.
- Les 2 et 3 juin, essais d'homologation d'un jeu de bossoirs aux Chantiers de l'Atlantique.

- Le 11 juin, visite du chantier par la presse écrite, radio et télé. Les invités visitent le navire de la salle des chaudières jusqu'au Pont Promenade.
- Le 17 juin 1959, la construction en est arrivée au Pont Promenade, dans sa partie centrale.
- Le 30 juin, l'appareil moteur se monte progressivement. Dans la chaufferie avant, deux chaudières ont été ripées et mises en place. Une troisième chaudière est en cours de montage.
- Début juillet, mise en place des derniers éléments du couronnement arrière.

- En septembre, la coque est passée au minium (Oxyde de plomb utilisé pour la protection contre la corrosion des métaux).
- Le 25 septembre, mise en place de deux éléments préfabriqués constituant l'extrémité de la proue: un élément de 59 tonnes comprenant les écubiers et un élément formant la partie supérieure de l'étrave, pesant 27 tonnes.

Visionner le dépliant
-----
- Le 2 octobre, la Compagnie Générale Transatlantique annonce que le Commandant Croisile, alors Pacha du paquebot "Liberté", prendra le commandement de "France". C'est aussi en octobre qu'est officiellement annoncée la date du lancement, ce sera le 11 mai 1960 à 16h15.


- Le 24 novembre, pose du dernier élément de l'étrave. Quatre grues ont été nécessaires pour mettre en place cette pièce d'acier pesant 31 tonnes. Elle est posée en 17 minutes par 10 hommes.
- En novembre, embarquement du groupe turbo-réducteurs tribord avant.
- De novembre 1959 à février 1960, embarquement des groupes turbo-alternateurs.
- Au 1er décembre, 19627 tonnes de tôles d'acier et de métal léger ont été mis en place.
- En décembre, le ber (outil de charpente disposé sous un bâtiment pour le soutenir durant sa construction) commence à être fixé à la coque. Embarquement du groupe turbo-réducteurs bâbord arrière.
- Le 14 décembre, conférence à Saint Nazaire durant laquelle sont communiqués les résultats d'essais de diverses cheminées. Annonce de l'adoption de la cheminée à ailerons.
1960 :
- Février, embarquement du groupe turbo-réducteurs tribord arrière.

Visionner le dépliant
-----
- De février à avril, montage des ailerons stabilisateurs ("France" est le premier navire de la Compagnie Générale Transatlantique à en être équipé). Constitués de deux groupes indépendants, chaque groupe est constitué de deux ailerons. Ces ailerons, de type Brown Brothers, sont construits par la Société Provençale de Constructions Navales et Industrielles. Le poids total des deux ensembles est de 400 tonnes.
- En mars, première couche de peinture sur la coque.

- Le 1er mai, début des opérations de suiffage (graissage) du chemin de lancement. Mais si le terme reste, la matière a changée, le suif étant remplacé par des dérivés du pétrole.







Visionner le dépliant
-----

Visionner le dépliant
-----

Visionner la plaquette
-----
- Du 8 au 11 mai, opérations consistant à reporter le poids du navire sur son ber de lancement en retirant progressivement les tins et les accores, les dernières accores étant retirées quelques minutes avant les opérations de lancement.

Visionner le livret
-----

- Le 10 mai, conférence de presse aux Chantiers pour une centaine de journalistes afin de leur expliquer les opérations de lancement. Cette conférence est suivie d'une visite des Chantiers.

Visionner les pages consacrées au "France"
-----
- Le 11 mai, lancement du paquebot; la date du 11 mai correspond à la première forte marée, (5,50 mètres), dont l'amplitude est jugée suffisante pour permettre l'opération. Une tribune de 1300 personnes a été érigée et la foule présente aux Chantiers est estimée à 100000 personnes. La cérémonie est retransmise en Eurovision.

Visionner les pages consacrées au "France"
-----




Visionner la carte d'accès Enceinte C
-----

Visionner la carte d'accès Enceinte B
-----
Le Général de Gaulle et Madame arrivent à la tribune officielle à 15h10. Bénédiction du navire par Monseigneur Villepelet, Evêque de Nantes. A 16h15 Madame de Gaulle, marraine du paquebot, brise la bouteille de champagne sur l'étrave et le navire glisse doucement sur son chemin de lancement. A 16h30, discours du Général de Gaulle : "Le paquebot "France" est lancé. Il va épouser la mer... Et maintenant que "France" s'achève et s'en aille vers l'Océan pour y voguer et pour y servir !".
A bord de "France", la manoeuvre a été placée sous la responsabilité du Commandant Le Huédé, assisté par le Commandant Croisile. A 19h49, le navire est amarré à son quai d'achèvement, sous la grue de 180 tonnes.
Le lancement du "France" en cartes postales et photos :




Visionner les CP du carnet
-----



Visionner le livret
-----

Visionner le (court) reportage sur le lancement du "France"
-----
- En juin, embarquement des chaudières 1 et 2 de la chaufferie arrière.




Visionner le livret
-----

Visionner les pages consacrées au lancement
-----
- En juillet, embarquement des chaudières 3 et 4.
- Le 9 juillet, "France" entre en cale sèche dans la forme Joubert pour démontage du ber de lancement, des colombiers et des caissons métalliques. Il y restera jusqu'à la fin du mois. Durant cette période seront posés : le gouvernail, fabriqué par les Chantiers de la Ciotat (il pèse 74 tonnes, auquel il faut ajouter le poids de sa mèche, soit 29 tonnes), et les 4 arbres porte-hélices (19,70 mètres de long et d'un poids de 53 tonnes chacun). La coque recevra de nouvelles couches de peinture.



- En octobre, les travaux de décoration commencent dans les salles à manger et dans le grand salon de 1ère classe.
- En décembre, montage des derniers roofs. Les deux cheminées préfabriquées, chacune en trois morceaux, commencent à être montées à terre.
1961 :

Visionner le dépliant
-----



Visionner le flyer recto/verso
-----

Visionner le dépliant
-----
- Le 1er mars, au Havre, début des travaux de transformation de la forme VII, creusement de niches sur le côté pour recevoir et démonter les stabilisateurs. Ces travaux dureront 4 mois.
- Le 11 mars, pose de l'aileron de la cheminée avant, pour essais.
- En mars, achèvement des cheminées en atelier.
- Le 5 avril, premiers essais de l'une des 8 chaudières.
- Le 8 avril, le montage à terre de la première cheminée est pratiquement terminé. A l'intérieur du paquebot, les locaux d'équipage, les cuisines, les magasins, les chambres froides et la blanchisserie sont pratiquement terminés. Les cabines sont en cours de finition, la salle de spectacle, les salles à manger de 1ère classe et de classe Touriste sont très avancées.
- Le 30 mai, pose du fût de la cheminée arrière, haut de 14,20 mètres et pesant 24 tonnes.

Visionner le Transat Presse
-----
- Le 11 juin, pose de l'aileron de la cheminée arrière.
- Le 17 juin, visite de 100 journalistes de la presse française et étrangère, invités par la Compagnie Générale Transatlantique.
- Le 22 juin, pose de la calotte de la cheminée arrière. La cheminée pèse au total 40 tonnes.
- Le 28 juin, pose du fût de la cheminée avant.

Lire l'article du Figaro Littéraire
-----

- Le 8 juillet, dernier passage en cale sèche; pose des 4 hélices, de 5,80 mètres de diamètre fabriquées par les Fonderies Marseillaises; pose de deux groupes de stabilisateurs, chaque aileron pesant 13 tonnes.


- Le 28 juillet, "France" quitte la forme-écluse.
- Le 10 août, la date du départ de Saint Nazaire est arrêtée.
- Le 27 août, le paquebot avance de 20 mètres par ses propres moyens, afin de recevoir sa cheminée avant.

Visionner le dépliant
-----

Visionner le French Line News n° 1
-----

Visionner le French Line News n° 2
-----
Le 11 octobre, remise de la police d'assurance du "France" à la Compagnie Générale Transatlantique.

Visionner l'article du Figaro Littéraire
-----
- Le 7 novembre, passage dans la forme-écluse Joubert pour le toilettage général de la carène et des derniers travaux de peinture. Au total, le navire aura reçu 6 couches de rouge anti-corrosif sur les oeuvres vives (parties émergées de la coque), 5 couches de noir sur les oeuvres mortes, 5 couches de blancs sur les superstructures et le mât radar.

- Les 11 et 12 novembre, visite pour les ouvriers des Chantiers de l' Atlantique et leurs familles.
- Le 18 novembre, réception à l'hôtel de ville de Saint Nazaire pour l'état-major et l'équipage du "France".
- Le 19 novembre, départ de Saint Nazaire pour les premiers essais.
Sources : "Les années France" de Daniel Baccara et les "Bulletins de la Compagnie Générale Transatlantique" de l'époque.
Autres articles sur le "France" : http://www.paquebots.net/2017/01/paquebot-france-listage-des-articles.html
----------